le projet breizh sukr

Voici l’intention de Bernard Cano pour le projet Breizh Sukr :

« Depuis mes débuts avec mon associée en 1987, qui passent par la relance de la culture du sarrasin en Bretagne (4000 ha aujourd’hui), puis la création en 1992 de la première usine dédiée à la fabrication d’aliments biologiques pour animaux à Janzé près de Rennes (10 000 tonnes en 2010), je me consacre au développement de l’Agriculture Biologique en Bretagne.
Je veux voir les agriculteurs s’émanciper des schémas traditionnels.

J’expose dans les lignes qui suivent le projet auquel je souhaite impliquer les agriculteurs bio présents et à venir. La prochaine grande étape d’une agriculture à échelle humaine consistera, de mon point de vue, à créer les conditions pour la mise en place d’outils de transformation de petite et moyenne taille qui impliqueront les agriculteurs et qui seront empreints d’une éthique exigeante, qui offriront une lisibilité de production locale, fiable, humaine, propice au développement rural.
Notre projet consiste à mettre en place et développer la betterave sucrière bio en Bretagne et de créer un outil de transformation, une mini sucrerie spécialisée dans le bassin de Pontivy.

 
Pourquoi ce projet nous paraît-il pertinent ?

Le sucre bio : un marché grandissant approvisionné par l’importation.
Le marché du sucre bio représente dans le monde une consommation globale de 370 000 tonnes. L’Europe en absorbe 170 000 tonnes et la France atteint un niveau de consommation de 45 000 tonnes. La consommation de sucre bio croît de 20% par an.
En Bretagne, une diversité de transformateurs en utilisent. Certains près de 1500 tonnes, d’autres 700 tonnes, d’autres 40 tonnes…
Le marché du sucre bio est quasiment exclusivement basé sur le sucre de canne. La production de sucre bio est quasi inexistante en Europe. L’Allemagne en produit depuis une dizaine d’années environ 6000 tonnes à partir de la betterave sucrière.

Les outils de transformation existants [à ce jour en France] ne sont pas adaptés
En France, les trois grands groupes de l’industrie sucrière forment un véritable oligopole. De plus, l’industrie sucrière cessera d’être soutenue dans le cadre de la Pac à partir de 2017, ce qui les conduira à accroître leur activité. La taille de leurs usines qui travaillent des volumes de 1 200 000 à 2 200 000 tonnes ne sont pas compatibles avec les règles et les contraintes qui concernent les betteraves issues de culture biologique. La production de sucre de betterave bio s’exclut donc de fait des process industriels existants.

Les sols et le climat de la Bretagne sont appropriés à cette culture
La betterave sucrière est [dans notre imaginaire] apparentée aux paysages des plaines sans fin de la Beauce, du Nord, de l’Est de la France… Pourtant, la betterave fourragère a été cultivée partout en Bretagne et dans toute l’Europe. Cet aliment de noble qualité assurait les éleveurs d’un fourrage abondant et sûr et contribuait à l’autonomie de leur exploitation. Elle connaît un véritable regain auprès d’éleveurs motivés. Des entrepreneurs se sont équipés en matériel de récolte.

Agronomiquement, les conditions de notre terroir sont excellentes, voire meilleures que celles de la plaine de Caen en Normandie où est la plus proche usine en activité. La pluviométrie et les températures douces de notre région sont également de bons atouts.
Pour familiariser les agriculteurs en production biologique de Bretagne avec cette culture, nous avons l’objectif, en 2016, de planter 8 ha dans les différents départements (plusieurs hectares sont déjà programmés dont le lycée Le Gros Chêne de Pontivy). Le but est de créer des vitrines, de parler technique, de donner envie.

Intégrer une nouvelle production fait partie de la marche de l’histoire
Les modèles de production ne sont jamais définitifs. L’agriculture bretonne a connu, au fil des siècles, de nombreuses transformations :
–    les cultures du lin et du chanvre ont  été la base d’une intense activité manufacturière dans toute la Bretagne. Pour exemple, en 1750, il était dénombré 700 paysans tisserands à Loudéac, autant à Pontivy ; pendant près de trois siècles, ces activités toilières ont fait la prospérité de la Bretagne, réputée pour cela dans toute l’Europe et jusqu’en Amérique du Sud ; des cités comme Locronan et les enclos paroissiaux en témoignent ;
–    la pomme de terre fut introduite à partir de 1820 avec réticences puis les bretons l’adoptèrent et progressivement elle devint une culture favorite de la Bretagne. Il y eut même une féculerie à Rohan près de Pontivy qui a fermé en 1970 ;
–    le chou-fleur, l’une des productions emblématiques de la Bretagne, a été cultivé à partir de 1660. Il est à l’origine de la création d’une zone à vocation légumière qui s’étend aujourd’hui sur une grande partie du nord de la Bretagne ;
–    en 1987, je relançais la production de sarrasin en Bretagne et j’allais vendre ce sarrasin en Hollande et en Allemagne. Cette culture avait quitté l’espace géographique de la Bretagne dans les années 1950. Or, le sarrasin couvre, toutes catégories confondues, environ 4000 ha aujourd’hui.
De multiples autres exemples pourraient être cités… L’agriculture biologique fait partie de ces mutations et la betterave sucrière relève d’une action innovante.

Une des vraies alternatives pour le changement du modèle agricole dominant
De grandes mutations sont en cours et l’année 2016 est marquée par une grave crise des productions agricoles de notre pays. Les volumes produits ne s’écoulent pas, les prix bas, toujours plus bas, ne rendent plus beaucoup d’exploitations viables. Cette course à l’hyper compétition fait des quantités de victimes et laisse une vie morose dans le monde rural.
Les agriculteurs sont lents pour faire évoluer et adapter leurs productions. La saturation des marchés et la régression du nombre des fermes traduit cette difficulté à embrayer une mutation de notre agriculture. Les productions végétales, en agriculture biologique, offrent des perspectives réelles et le développement d’une filière de production de betterave sucrière bio et, à terme, la création d’une sucrerie spécialisée mérite que les agriculteurs y portent de l’attention.
En phase avec les attentes d’un nombre grandissant de consommateurs
Une part grandissante de consommateurs, d’individus conscientisés sur les enjeux de l’environnement, à la recherche d’une qualité de vie respectant les équilibres naturels, font le choix de valeurs dans lesquelles l’écologie est prépondérante. Des chaînes de distribution militantes et spécialisées dans l’alimentation bio connaissent des croissances de 15%. Cela démontre qu’il y a une recherche pour une alimentation issue d’une agriculture exigeante, qui définit des limites, une agriculture à caractère local, basée sur des modes de production autonomes, durables, une agriculture où le rôle des paysans a de la valeur.

Des barrières à lever, un « feeling » cultures à développer
La production de betterave sucrière en Bretagne a pour premier préalable d’abattre des barrières mentales. La Bretagne est un pays où la forte tradition de l’élevage a conduit à placer la part des cultures dans un rôle de seconde importance. En dehors de quelques bassins légumiers réputés, la mentalité agricole est caractérisée par une mentalité d’éleveur. Or, on sait que la part des végétaux dans l’alimentation humaine va s’accroître. Cette tendance est déjà amorcée. C’est une réalité flagrante chez les consommateurs de produits bio.

Désherbage : la difficulté technique à dépasser
La perspective de cultiver de la betterave en bio met immédiatement en évidence cette question cruciale. Pour développer les cultures en bio en Bretagne, il va falloir stimuler le sens de l’exigence et de la précision chez les agriculteurs. Devenir capable de cultiver la betterave à l’échelle d’une nouvelle production organisée, c’est acquérir une technicité qui permet de pouvoir envisager toutes les cultures.
En Vendée, un groupe de sept agriculteurs ayant fait sa conversion en bio, illustre bien ce qu’est le « feeling » culture en bio. Ils exploitent 700 ha. Ils sont passés d’un schéma conventionnel très intensif à la mise au point d’un ensemble de productions techniquement très pointues : ils utilisent le GPS dans le bocage vendéen depuis 10 ans. Les cultures, céréales incluses, sont toutes pensées pour être binées si nécessaire. La diversité des productions est grande : céréales, maïs, une gamme diversifiée de haricots et légumes secs, des légumes, de la pomme de terre.
Depuis deux ans, ils s’orientent et se spécialisent dans le quinoa (100 ha) qui leur assure des marges très élevées. Aujourd’hui, ils sont techniquement prêts pour produire de la betterave sucrière.

Alors, en Bretagne, qu’attendons nous ?
Atteindre ces résultats est affaire d’état d’esprit et d’autonomie de pensée. Pour avancer et capter des marchés existants, il est nécessaire que des prises de conscience aient lieu. De cela, il découlera de vraies solutions pour que les agriculteurs trouvent l’envie et le sens à faire un métier qui leur permettra de bien vivre.
Face à l’actuelle vague de 60 000 ha de conversions qui concerne la France dans son ensemble, les agriculteurs bretons doivent réaliser que cultiver quelques céréales de type secondaire ne leur permettra pas de «gagner leur croûte ». Mais s’ils mettent la barre des compétences techniques plus haute pour se mettre à niveau avec la technicité indispensable à la conduite de cultures telles la betterave sucrière qui est du même ordre de difficulté que les légumes plein champ, ils se garantiront et s’assureront de belles perspectives pour envisager une diversité de productions rémunératrices et des débouchés durables.

Un projet extensible à d’autres régions
Je suis convaincu que le développement de la filière betterave sucrière bio en Bretagne sera un courant de production précurseur en France et que d’ici 10 ans, d’autres mini-sucreries bio ancrées dans des bassins de production régionaux verront le jour.

Et à d’autres produits
A cela viendront s’ajouter des activités connexes à valeur ajoutée, telles la production de levures bio dont l’utilisation deviendra obligatoire chez les transformateurs bio, [comme par exemple en panification]. »

Une réflexion sur “le projet breizh sukr

  1. Bonjour. S’il vous plaît, accepteriez-vous de présenter votre démarche globale et plus spécialement celle de BreizhSukr dans les colonnes de NHU http://www.nhu.bzh ?
    Voici un article sur le blé noir : http://www.nhu.bzh/le-diamant-breton/
    Parallèlement, nous collaborons activement au développement sur toute la Bretagne d’une plateforme de mise en relation (totalement gratuite) des Producteurs et des Consommateurs, en commençant pas la Cornouaille – http://www.nhu.bzh/circuit-court-alimentaire-en-bretagne/ et http://www.locavore-de-cornouaille.bzh.
    A suivre Locavore du Vannetais, de Saint Malo, de Nantes, de Rennes, du Léon …
    Contactez-nous : contact@nhu.bzh et Pellg 0603132867
    Merci et bravo pour votre travail
    Cordialement / A galon

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